Seuls 5 centres sont en règle
La brigade de contrôle des institutions du Minas annonce une descente sur le terrain.
Le délégué régional des Affaires sociales de l’Ouest identifie 23 centres d’encadrement des orphelins avec lesquels ses services travaillent régulièrement dans la région. Il reconnaît cependant qu’il en existe presque autant qui fonctionnent en marge de la légalité.
«Certains promoteurs de Gic ou d’Ong légalisés à la préfecture et à la délégation de l’agriculture croient qu’ils peuvent fonctionner comme orphelinat. Comme ce sont des partenaires du Minas, nous leur donnons le temps de se mettre en règle, avant de sévir », dit-il. A ce sujet, la brigade de contrôle des institutions du Minas va être sur le terrain dans les tout prochains mois.
Zacharie Mboma, le délégué départemental des Affaires sociales de la Mifi, précise qu’a peine cinq de ces structures, sur la vingtaine existant à Bafoussam, sont en règle. Selon lui, il est difficile de donner le nombre exact de pensionnaires de ces structures. C’est la même difficulté que nous rencontrons sur le terrain. 22 enfants séjournent à l’orphelinat maman Fanny. A la Maison Notre-Dame de charité, on en annonce 20, et à l’Association philanthropique pour la réhabilitation des enfants et des jeunes déshérités 12. Dans les autres centres où nous sommes passés, les responsables en place ont des difficultés à donner le nombre réel de leurs effectifs.
Les promoteurs des centres d’encadrement des orphelins sont des particuliers qui veulent aider les enfants en détresse. Des Gic et des Ong en créent également. Ils ont, pour la plupart, des partenaires basés en Occident. C’est grâce à leur aide et celui des âmes de bonne volonté locales, que les promoteurs des orphelinats les font fonctionner. La survie quotidienne de ces enfants est fonction des ressources disponibles confie Maman Fanny, la promotrice d’un orphelinat.
Enfin, le profil des pensionnaires des orphelinats est divers. D’aucuns y sont déposés par les membres de la famille, après le décès de l’un ou de leurs deux parents. Il y en a qui y sont amenés par la police, le Minas et certaines âmes de bonne volonté qui disent les avoir trouvés dans la rue. Il y a enfin ceux qui arrivent parce qu’a la suite du divorce de leurs parents, ils ne sont pas intégrés dans les familles recomposées.
Honoré Feukouo
Ceo : 276 pensionnaires hébergés en 16 ans
Les familles désunies créent des cas sociaux, qui se réfugient dans ce centre.
Sur les 22 enfants actuellement logés au Centre d’encadrement des orphelins (Ceo) Maman Fanny, basé en plein cœur du quartier Kamkop à Bafoussam, plus de la moitié, selon la promotrice, sont des enfants abandonnés par leurs parents encore vivants. C’est le cas de Fleurette Ngagoum (20 ans) et de Corinne Stevie Tsesue (17 ans).
La 2eme citée est une malvoyante, qui est au centre depuis huit ans. Elle vient de réussir son entrée en Terminale section anglophone. Abandonnée par ses parents qui jugeaient son cas social difficile à supporter, elle a trouvé abri à l’orphelinat qui s’occupe d’elle. «En période de classe, elle est interne au centre scolaire pour mal-voyants (Cispam), et elle revient ici retrouver ses frères pendant les vacances, comme l’autre externe», explique la promotrice du Ceo. C’est avec aisance et une certaine indifférence que Fleurette Ngagoum décrit son cas : «Je suis arrivée ici à l’âge de 9ans. C’est après leur divorce que l’un de mes parents est venu me laisser ici. Mon père et ma mère biologiques se sont remariés chacun de son côté et m’ont complètement oublié. Je fais actuellement Géographie niveau 2 à l’université».
Françoise Ngounou (Maman Fanny) et son époux, Ngassu Enock, deux enseignants retraités qui ont créé le Ceo il y a 14 ans, ne sont plus ahuris de constater que ce sont des enfants abandonnés par leurs parents qui arrivent chez eus comme des orphelins. La femme énumère de suite plusieurs cas en évoquant tout ce qu’elle sait de leurs parents. «Regardez la plus jeune du centre qui n’a que quelques mois. C’est un homme qui est venu la déposer en disant que c’est l’enfant d’une folle (...). Lorsque je leur demande de venir récupérer leur progéniture, ils me promettent qu’ils arrivent, et personne ne vient pas».
C’est dans le domicile familial du couple que sont logés tous ces "orphelins". Les propres enfants du couple ont grandi et n’y sont plus. Les revenus pour faire marcher le centre, sont offerts par des âmes de bonne volonté. En 16 ans d’activité, les promoteurs ont pointé sur leurs registres 276 enfants qui ont été hébergés au Ceo : «Nous ne fichons pas le cas de ceux qui séjournent ici quelques semaines avant d’être récupérés par un membre de leur famille ou après la réconciliation des parents», révèle-t-il.
H.F.
Evelyne Guemsu : Devenue orpheline malgré elle
A 18 ans, elle a passé 6 années dans un centre d’encadrement.
La plus grande épreuve qu’a bravée Evelyne Guemsu durant sa tendre enfance, a été d’effectuer à pied, une bonne partie du trajet allant de Foumban à Bafoussam. Cette jeune fille de 18 ans se souvient de ces six dernières années comme si c’était hier. Elle se rappelle comment, après avoir essuyé une énième brimade difficile à supporter pour ses 12 ans, elle a décidé de partir du domicile de sa tante où elle a passé quelques années. Armée de la seule volonté de retrouver sa mère, qui s’est remariée à Bafoussam depuis le décès de son père en 2002, elle se met en route.
Eveline Guemsu se retrouve à Bafoussam à la tombée de la nuit, après toute une journée de marche en avril 2004. «Je me suis adossée à la barrière d’une maison et je me suis endormie. On m’a par la suite expliqué que ce sont des inconnus qui m’ont recueillie et amenée ici à l’orphelinat», raconte la jeune fille. Des faits que confirme Josiane Logan, l’une des administratrices de l’orphelinat Yahwin Yahwé, situé au quartier Bamendzi 2. Les efforts fournis par la police vont s’avérer payants, puisque la mère d’Evelyne va venir la récupérer 2 jours après. Mais le nouveau mari de sa mère n’accepte pas l’intruse dans son domicile.
Un bref passage de 2 jours au sein du nouveau foyer de sa mère, et voila de nouveau Evelyne Guemsu qui, revient à l’orphelinat Yahwin Yahwé, fondé en 1998 par un groupe de volontaires qui, au nom de leur foi en Dieu, voulaient servir l’humanité et surtout les jeunes en détresse. «Comme elle est arrivée alors que l’année était bien avancée, nous l’avons gardée à la maison. C’est à la rentrée, que nous avons entrepris des démarches pour l’inscrire en 6e», explique Josiane Logan. Au sein de ce local, elle passe ses nuits dans le dortoir des filles. Il y a aussi un dortoir pour les garçons et l’orphelinat est entouré d’une haute clôture en dur. Les jours et périodes des congés, les pensionnaires, au nombre de 16, effectuent le ménage, apprennent différents petits métiers et se consacrent aux jeux d’enfants. Pendant l’année scolaire, Evelyne Guemsu comme les autres pensionnaires, se joint aux autres élèves. Le soir venu, elles consacrent quelques heures à étudier.Après la disparution de son mari, la maman d’Evelyne l’a recupérée.
Honoré Feukouo
Zacharie Mboma Ndongue : « Nous veillons à ce que ces enfants soient bien intégrés »
Le délégué départemental des affaires sociales de la Mifi évoque la situation des orphelins.
Quelles peuvent être les raisons qui poussent les parents à abandonner leurs enfants ?
Je peux vous donner 3 raisons essentielles. Il y a d’abord la pauvreté des familles. Nous sommes passés de la famille Africaine élargie, où tous, y compris les oncles les tantes les plus éloignés, s’associaient pour soutenir les moins nantis, à une famille nucléaire au style occidental. Lorsque le père ou la mère ne peuvent plus pleinement assumer leurs missions, ils s’empressent de venir déposer l’enfant dans une structure d’encadrement de l’enfance que nous appelons communément orphelinat. Lorsque nous constatons également que le seul parent restant ne donne plus aucune garantie de s’occuper de l’enfant, bien que ce soit la dernière solution, nous prenons l’enfant, que nous confions à un centre qui s’en occupe. Il y a aussi les enfants qui sont abandonnés dans les rues et dans les poubelles par leurs parents. Je prends l’exemple des enfants des fous. Tous ceux là, sont intégrés dans le lot des enfants orphelins.
Que fait le ministère dans la gestion de ces orphelinats?
Ce sont les structures qui récupèrent ces enfants qui s’en occupent. Nous n’apportons à notre niveau, qu’un appui. Mais nous allons régulièrement dans ces centres, pour nous assurer du degré de formation de ces enfants, prodiguer quelques conseils…
A quel moment l’administration confie-t-elle un enfant à un orphelinat ?
Ces enfants viennent de la police, de la population et des radios, où ils sont abandonnés. La police initie au départ, une enquête pour retrouver les parents de ces enfants. Nous n’entrons en jeu que par la suite, lorsque les parents ne sont pas retrouvés. Pour les bébés et les jeunots, nous commençons par vérifierleur état de santé. Ensuite, nous les confions à un centre de prise en charge, qui initie la procédure pour que l’Etat reconnaisse que l’enfant est légalement pensionnaire dans cette structure. Il arrive des fois qu’un parent proche ou éloigné vienne récupérer l’enfant. C’est de loin la solution que nous préférons, puisque l’enfant ne doit être confié à un centre de prise en charge qu’en dernier recours.