mercredi 3 août 2011




Cinquantenaire de la conférence constitutionnelle du Cameroun
Foumban. La cité des arts à la recherche des marques de sa glorieuse histoire, attend toujours les fruits de cet évènement.

Vendredi 22 juillet 2011. Le portail d’entrée du Lycée classique de Foumban est grandement ouvert. Le regard du premier venu qui y accède, tombe sur un bâtiment,  face à l’entrée principale. Sur une grande plaque affichée sur ce bâtiment on peut lire « Bâtiment de la réunification du Cameroun. Foumban conference hall from the 17th to the 22th of july 1961». Ce message difficilement lisible à cause de l’usure du temps qui a dégradé la couleur rouge de l’écriture, est le seul qui permet à l’usager anodin de cette ville de se souvenir qu’il y a 50 ans jour pour jour, que s’est décidée en ces lieux, le sort de la réunification du Cameroun. A part cela ce bâtiment peint en marron et blanc comme toutes les autres salles du lycée classique de Foumban, a été quelque peu aménagée, et abrite aujourd’hui, les salles de classes de la TAE et de la TAA ainsi que la scolarité du lycée. Ces deux salles de classes incluses parmi les plus grandes accueillent chaque année, les effectifs des classes pléthoriques selon certaines sources bien introduites au lycée classique de Foumban. Le proviseur Monta Moussa que nous avons pu joindre au téléphone, est plus occupé par la phase de délibérations du probatoire de l’enseignement général. Il est tout aussi surpris d’apprendre que nous sommes déjà le 22 juillet et que cela fait 50 ans. Il se montre même très connaisseur du poids et de l’importance de cette salle, situé au cœur du lycée qu’il dirige, tout en déplorant le fait que rien n’est officiellement fait pour donner un caractère spécial à ce bâtiment qui a abrité la conférence constitutionnelle de l’unité du Cameroun. Elève en classe de première, Mvuh Mongbet Assan que nous trouvons dans les environs, se rappelle qu’en se remémorant les explications de son enseignant d’histoire, il s’est retrouvé entrain de frissonner lorsqu’il composait le probatoire dans cette salle. «J’étais très ému et jusqu’à présent, je me dis que ce sera inadmissible d’être assis sur un banc, dans la salle où les grands ont fait des palabres pour la réunification de mon pays et qu’au bout du compte, je loupe on examen».

Abdoulaye B., enseignant au sein de cet établissement est, scandalisé par l’état de pourrissement de ce lieu historique, qui laisse indifférent l’Etat du Cameroun et les élites de cette localité. «C’est franchement là, la preuve que nôtre pays ne veut pas avoir de mémoire. Cette salle, n’est plus, la plus importante du Cours complémentaire, qui a permis aux Ahmadou Ahidjo, John Ngu Foncha, sultan Njimoluh Seidou et Njoya Arouna entre autre, d’avoir le passé qu’ils ont laissé avec fierté au Cameroun. Lorsqu’on présente Paul Biya dans le dossier de Bakassi comme celui qui privilégie la négociation à la guerre, je pense qu’il faut rappeler qu’il s’inspire de ces valeureux prédécesseurs et les rendre hommage comme ils le méritent.» Cet enseignant, propose que l’ancienne Ecole normale des instituteurs adjoints (ENIA), actuellement appelé lycée classique de Foumban, soit baptisée lycée de la Réunification du Cameroun. Abdoulaye K. constate que ce bâtiment monument, se trouve à Njinka à un jet de pierre de la résidence d’Adamou Ndam Njoya. Le quartier étant considéré comme le fief de l’opposition Udc, ce lycée a été délaissé au profit du lycée Bilingue Njoya situé à l’autre côté de la ville, qui peut se tarder d’avoir suffisamment de salles de classes modernes au point de prêter certains bâtiments pour le fonctionnement de l’institut des beaux-arts de Foumban.
Enseignant retraité, Ndam Mama Colbert du haut de ses 79 ans, se rappelle la mobilisation qu’a connue la ville de Foumban pendant la conférence constitutionnelle du Cameroun. Maître à l’école publique de Njinka qui se trouve à 100m du lycée classique et à 50M de la résidence de Njoya Arouna, évoque la forte présence des voitures et autres. «Du lycée jusqu’à l’église catholique, il n’y avait que des longs rangs de voitures. Sur cette distance de deux kilomètres, il se rappelle au passage qu’il n’y avait pas une forte présence visible des forces de l’ordre. « Il y avait la paix, et surtout la fête dans toute la ville. Tous les habitants de cette ville, suite aux conseils des élites de la localité, se montrait plus disponible qu’a l’accoutumée pour servir de guide, où aider d’une quelconque manière ces compatriotes venus chez nous décider du sort de notre pays. La population était enchantée de rendre ce service et le faisait avec volonté et avec joie.» Nyinde Jeanne qui préside le comité de la croix rouge dans le Noun, était une jeune fille à l’époque. Sans vouloir se montrer très explicite, elle évoque à mi-mots, la disponibilité des filles qui se mettaient spontanément au service de la construction nationale du Cameroun. Dans leurs regards, s’évapore tout enthousiasme lorsqu’il est question des retombées de cette conférence constitutionnelle de Foumban. Le proviseur du lycée classique de Foumban est l’un des rares optimistes. Monta Moussa s’appui pour cela, sur le nombre sans cesse croissant des visiteurs Français et Anglais entre autres étrangers, qui viennent au lycée, dans l’optique de découvrir la salle qui a abrité cette conférence. Mme Jeanne Nyinde attendait au moins la visite du premier ministre pendant cette période du cinquantenaire de la réunification du Cameroun. Bonne militante du parti au pouvoir, elle ne désespère pas pour autant de voir une décision surprise de l’homme lion venir bouleverser cette inquiétude. L’un des plus déçus, est Ismaël Manouère Mfouapon. Ce père de 142 enfants qui a aujourd’hui 108 ans, est plus connu comme le père fondateur du Comice au Cameroun. Il était aussi le porte sac de son frère Njoya Arouna pendant toute la durée de la conférence. Son souhait était de voir une stèle, un monument où quelque chose de marquant être érigé au quartier Njinka avant sa mort. Ce qui semble de moins en moins faisable. Même la bonne fraternité entre le ministre Njoya Arouna et son cousin le sultan Njimoluh Seïdou qui poussait le président Ahmadou Ahidjo à venir à Foumban sans inquiétude, s’est transformée en une opposition viscérale entre leurs successeurs actuels, au point où l’actuel président a de quoi rechigner à mettre les pieds à Foumban.
La ville historique, fondée au XVe siècle par Nchare Yen,  ne garde que les séquelles de cette grande rencontre. Les antiquaires et les artisans qui profitent de la flopée des touristes pour faire des bonnes affaires, tordent le coup à ce désespoir, en construisant des grands bâtiments dans les nouveaux quartiers, qui viennent tutoyer d’un air condescendant, les réalisations des grands agriculteurs et hommes politiques de l’époque. La nationale n° 6, qui relie en 72km, Bafoussam à Foumban, permet de transiter jusqu’au nord du Cameroun d’un côté, ou de se retrouver dans le centre du pays de l’autre, si l’on parvient échapper aux coupeurs de route. Des espoirs sur lesquels, la ville de Foumban s’accroche pour régénérer ses lauriers d’antan.
Honoré Feukouo


 «Foumban attend toujours les retombées du cinquantenaire de la réunification »
Nô Ismaël Manouère Mfouapon. Considéré comme l’un des frères et secrétaires particuliers de Njoya Arouna, il milite pour la construction d’un monument de la réunification du Cameroun à Foumban.


Que retenez-vous comme souvenir de la conférence qui s’est tenue ici à Foumban du 17 au 22 juillet 1961 ?
Tout s’est déroulé ici à Foumban. Ici même au quartier Njinka. Nous avons été heureux de voir comment le ministre Njoya Arouna a réussi l’exploit de faire venir ici à Foumban tous les ministres du pays, tous les décideurs politiques principaux des deux parties du Cameroun. Le sultan Njimoluh Seïdou s’occupait d’abord des chefs traditionnels invités qui avaient beaucoup d’influence. Ils avaient leur chambre bien organisée dans le processus politique de l’époque. C’est Njoya Arouna qui s’est occupé de l’organisation générale et de l’accueil des participants. Je me rappelle juste certains. (Il cite avec l’aide d’un de ses fils) Il y avait Ahmadou Ahidjo, Samuel Eboua, John Ngu Foncha, Salomon Tandeng Muna, Bernard Fonlon, Charles Assalé,  Charles Okala, Josué Tétang, Christian Tobie Kuoh, Jean Bétayéné, John Ngu Foncha, Emmanuel Liffaffe Endeley, Augustine Ngom Jua, Nerius Namaso Mbile, John Bokwe.

Comment avez-vous participé à cette conférence ?  
J’étais fonctionnaire. J’étais à l’agriculture comme chef de poste agricole. Ma maison avait été louée à l’époque. Il y avait un fonctionnaire qui vivait là dedans. Il est resté ici huit jours. Cette réunion a duré toute une semaine. Moi, j’étais aux services de mon frère Njoya Arouna. C’est ici chez moi dans mon salon qu’on venait taper les documents. Ils préparaient là bas au lycée, dans la salle des conférences, on traverse juste la route on vient ici dans ma maison on donne aux secrétaires qui tapent, avant de les amener chez Njoya Arouna. Il y avait parmi les 14 secrétaires, huit dames européennes et six de notre côté je parle des noires.  Les ministres Arouna et Assalé et une autre personne anglophone que j’oublie le nom, venaient avec les documents qu’ils confiaient aux secrétaires ici. On tape, on tape, et ils viennent chercher pour amener chez Njoya Arouna. Là bas, ils vérifient et ils signent.  J’insistais toujours pour écouter ce qui se passait dans les salles. Il a été question d’unifier les deux Cameroun dans tous les discours.


Après 50 ans que retient la ville de Foumban de cet évènement ?
Depuis 50 ans, les gens de l’autre côté et ceux de ce côté comme on les appelait avant, vivent maintenant en famille. A l’époque ce n’était pas comme ça. Il y avait des oppositions incessantes, une rivalité inquiétante et une insécurité permanente. Ça fait chaud au cœur d’avoir assisté à cette négociation. Les fils de la ville de Foumban, et même les enfants Bamoun en général, ont été motivés pour la réussite de cet évènement. Je pense que tous les fils de Foumban étaient fiers de cette contribution et au fil des générations, ils gardent cette joie histoire. Cependant la ville de Foumban en elle-même n’en a rien tirée. Foumban n’a rien gagné. Même pas un monument. Nous espérions au moins un monument de la réunification ici à Foumban ici à Njinka. Mais j’ai comme l’impression que le politique a toujours pris le dessus sur notre histoire.  Le gouvernement n’a rien fait pour le lieu où s’est déroulé le grand tournant de la négociation et de la construction du Cameroun actuel.
Propos recueillis par Honoré Feukouo

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