La jeunesse se préoccupe de son emploi
Le calvaire des jeunes qui s’auto emploient
Insertion socioprofessionnelle. La libre entreprise présentée comme l’alternative à la difficulté de dénicher un emploi n’est pas sans difficulté
Les jeunes qui se lancent dans une initiative d’auto emploi, se heurtent à plusieurs difficultés sur le chemin. C’est à ce moment qu’ils se trouvent face à la muraille de la mairie et aux différents services des impôts. Ghislain Tambué qui a ouvert une menuiserie à Bafoussam a trouvé une solution provisoire. L’un de ses employés fait le guet. «Dès qu’il nous signale un individu suspect de la mairie où des impôts, je m’empresse de fermer boutique et de disparaître». Des charges comme l’impôt, la taxe sur l’espace exploité et les autres charges de location, sans tenir compte du fait qu’il y a un délai accordé aux citoyens qui viennent de lancer leurs structures de s’implanter. «Lorsque vous ne payez pas où ne négociez pas, ils reviennent sans cesse avec les policiers et commencent à se saisir de vos outils pour mettre à mal votre activité. A ce moment, vous êtes obligé de négocier» explique Ghislain Tambué, qui dit être confronté à cette autre difficulté au quotidien, sans pouvoir trouver la solution miracle dans les cours de montage et gestion des projets qu’il a suivi, pour sauver sa jeune structure.
La difficulté évoquée sans cesse, demeure l’accès aux capitaux pour lancer sa structure. Dieunang Tayo Simpliste, s’est lancé dans la production des fongicides, des herbicides et la culture du piment qu’il transforme en jus de piment. Tous ces produits, il les met en bouteille et les commercialise lui-même. «Dès que je finis une production, tout est livré le lendemain. Nous confie ce jeune homme de 34 ans. Mais je n’ai pas les moyens d’étendre mon activité pour avoir suffisamment de quoi fournir une grande clientèle. Encore que, sa qualité de fils du chef Bangou, l’a permis d’ hériter d’un espace où il exerce sa profession. Ceux qui veulent bénéficier des opportunités d’auto emploi qu’offre le Minader, ont des difficultés à trouver un espace pour y investir.
Arlette Cheuwou qui a repris ses études universitaires après deux années de chômage faute de moyens, se rappelle que pendant la période des vaches maigres, elle a initié et déposé à divers endroits des projets d’auto emplois. «Ces initiatives étaient appréciés par des agents financiers qui finissaient laconiquement par dire qu’ils n’avaient pas les bras libres pour décaisser le financement nécessaire pour le lancement de ces projets.» Cette jeune fille de 23 ans rappelle au passage que le dossier déposé par elle, au fonds national de l’emploi et à la délégation régionale de l’emploi et de la formation professionnelle n’ont rien produits de positifs. Arlette Chewou avoue avoir toujours connu des difficultés à obtenir les informations sur les opportunités de financement des jeunes en auto emploi, qui existent dans les services publics surtout. L’accès à l’information selon Flaubert Djateng qui a fait une étude diagnostic sur ce phénomène, est la première difficulté à laquelle sont confrontés ceux qui espèrent postuler aux projets gouvernementaux d’auto emplois qui sont pour ces derniers, l’opportunité la plus aisée à saisir. «Du Pajer-u logé au ministère de la jeunesse en passant par le Pacd-Pme logé au ministère des petites et moyennes entreprises, le Piassi qui se gère au ministère de l’emploi, jusqu’au différents projets agricoles du ministère de l’agriculture et autres, il y a huit ministères qui disposent d’une douzaine d’initiative de financement disponibles pour les jeunes qui veulent se lancer dans l’auto emploi». Précise le coordonnateur du Zenü Network.
Mariama Njayou qui bénéficie d’un financement du Pajer-U, déplore les embûches imposés par les employés du ministère de la jeunesse. «Lorsque ton projet est à la phase pratique, on ne te donne pas l’argent mais on t’impose un contrôleur qui d’oblige à acheter le nécessaire juste chez son fournisseur. Vous avez par exemple un projet d’élevage des poules financé à 500.000frs. Ce contrôleur vous oblige de payer les poussins, la provende et tout le reste chez des fournisseurs avec qui il est de connivence, et qui vendent ce nécessaire au prix fort, alors qu’au moment du remboursement, vous ne serez plus assisté par ce contrôleur. Ils nous disent bien que nous serons accusés de détournement des deniers publics au cas où on ne rembourses pas le prêt».
Malgré ces difficultés à réussir dans le secteur de l’auto emploi, Alain Paulin Ndanga le président communal du conseil national de la jeunesse (Cnjc) à Bangangté, pense que ce secteur demeure le meilleur pour les jeunes. Il qualifie de «jeu au hasard», la possibilité de trouver un emploi dans la fonction publique. Pour lui, il n’y a qu’à voir les complications actuelles que connaît le dossier de recrutement des 25000 jeunes qui traîne à connaître son dénouement, pour le comprendre. Agé de 31 ans, Alain qui a réussi une licence en sciences de la terre à l’université de Dschang en 2002, a multiplié sa participation aux concours et aux recrutements directs à la fonction publique en vain au cours de ces huit dernières années. Honoré Feukouo
«Le Minjeun fait la politique de ses moyens»
Christian Madja Mboutou. Le délégué régional de la jeunesse pour l’Ouest évoque les projets mis en place pour favoriser l’insertion socio professionnelle des jeunes camerounais.
Que fait le ministre de la jeunesse pour résoudre les problèmes des jeunes qui se lancent dans l’auto emploi dans la région de l’Ouest Cameroun?
Au ministère de la jeunesse et à la délégation régionale de la jeunesse à l’Ouest, nous aidons les jeunes qui veulent se mettre à leur propre compte avec le projet d’appui à la jeunesse rurale et urbaine. Il suffit pour un jeune de monter un bon projet et de venir à notre niveau solliciter un financement. Nous appuyons techniquement les jeunes lors du montage de ces projets, et même lors de la gestion rationnelle de ces petites et moyennes entreprises qu’ils lancent. Le ministère de la jeunesse facilite aussi l’accès des jeunes à des formations pratique qu’ils peuvent exploiter pour réussir dans le secteur de l’auto emploi. Et je peux vous assurer que le personnel de mon service apporte tout l’appui nécessaire et tout le soutien nécessaire à ces jeunes. Mais reconnaissons toutefois que le ministère de la jeunesse fait la politique de ses moyens. Nous ne pouvons offrir que ce que nous disposons. Il y a des jeunes qui arrivent avec le souci d’obtenir de l’argent cru à notre niveau, ou organisent des championnats de vacances dans l’espoir de nous voir débourser un appui financier à ce niveau. Donc nous faisons la politique de nos moyens disponibles.
Les jeunes se plaignent du fait qu’ils se heurtent à des difficultés comme le monnayage et autres. Que faites vous pour venir en aide à ces jeunes?
Je vois à quoi vous faites allusion. Chaque fois qu’on me parle corruption dans mes services et surtout dans le déroulement du Pajer-U, je réponds avec la même franchise. Je mets quiconque au défi de me dire s’il a été mis en mal au moment de la présentation de son projet ou lors de la sélection par l’un de mes collaborateurs. Donnez-moi le nom de l’intéressé et je ferais le reste. Il ne faut pas se contenter des rumeurs au quartier. Nous avons reçu des instructions claires et le ministre ne badine pas là-dessus. Il est question de faciliter l’accès à l’auto emploi, pour le maximum des jeunes qui le sollicitent. Le projet d’appui à la jeunesse urbaine et rurale (Pajer-U), répond à cette question comme beaucoup d’autres. Le ministère de la jeunesse a déjà eu à financer 249 jeunes, à hauteur de 286 millions Fcfa. Les jeunes du Conseil national de la jeunesse du Cameroun(Cnjc) sont là pour vous le confirmer. Vous pouvez aussi approcher les jeunes qui ont bénéficié de nos projets. Ils vont vous dire que mes collaborateurs qui ont l’expertise nécessaire, sont en permanence à leurs côtés pour les conseiller, les aider à réussir leurs initiatives. Le ministère de la jeunesse et tous ses services déconcentrés, sont là pour servir les jeunes en priorité. Lorsqu’un jeune vient vers nous, il a toute notre attention. Nous mettons à leur disposition toutes les opportunités d’auto emploi qui existent dans les autres départements ministériels. Nous sommes ici dans une région fortement agricole. Rien qu’au ministère de l’agriculture, il y a les programmes d’appui à la filière maïs, pomme de terre, plantain, champignon et j’en oublie certainement. Il en est de même avec le Minepia qui a un programme d’appui à la filière porcine, pour l’élevage des aulacodes, des lapins etc. tous ces projets sont des multiples opportunités d’auto emplois que le gouvernement met à la disposition des jeunes, et nous accompagnons ces jeunes dans leur évolution.
Propos recueillis par
Honoré Feukouo
Vivre de la culture des champignons
Guy Merlin Nembot. La petite structure qu’il a initiée emploie huit personnes.
Dans une salle de la maison des jeunes de Bafoussam, Nembot Jean Merlin dispense ce mercredi, comme tous les jours ouvrables de 11 h à 15h, les cours d’informatique à une dizaine de jeunes vacanciers installés devant des ordinateurs. C’est l’une des activités de ce jeune titulaire d’un Bts en informatique et gestion. Le matin, il commence sa journée par ce qui est pour lui, sa première société opérationnelle. La culture des champignons. Une profession qu’il décrit avec passion. «Il faut le substrat sur lequel les champignons doivent pousser, le blanc qui est la semence, les ingrédients pour stériliser la zone de culture, et un délai de trois semaines pour que le mélange devient des champignons majeurs». Dès qu’une culture est effectuée, il le récolte et met la première moitié à la disposition des deux jeunes vendeurs qu’il emploi, et procède au séchage de l’autre moitié. Le kg de champignon frais est vendu à 2000frs, et les paquets secs seront vendus plus tard entre 2500 à 3000Frs le kg » prédit ce jeune opérateur économique. Pour monter son projet, ce jeune diplômé de 28 ans, a suivi une formation du projet gérer mieux son entreprise (Germe), organisée par le bureau international du travail il y a deus ans, avec l’appui du Zenü Network. Guy Merlin au moment de présenter un projet lors des travaux dirigés, se rappelle qu’il assistait son frère qui a suivi une formation au projet champignon d’Obala, à la culture du champignon, avant que ce dernier ne se spécialise dans la production des semences de champignons. Guy Merlin qui a utilisé ses économies propres acquises comme enseignant vacataire d’informatique et l’appui du Zenü pour lancer son projet, espère trouver un capital d’un million, pour agrandir sa structure. Il compte trouver ce financement auprès des structures financières qui l’avaient déjà repoussé lorsque son projet était encore embryonnaire. Il est tellement confiant qu’il compte passer de quatre à huit employés pour augmenter ses rendements. Les premiers bénéfices qu’il a engrangés au bout d’un an de fonctionnement, il les a investies pour lancer une bureautique qu’il présente comme le point de départ de son second projet. « Ici, j’ai initié un projet de conception des bases de données. J’ai déjà conçu trois microprogrammes que je propose aux associations et petites structures pour la gestion de leurs données financières, et même pour la gestion des produits et des stocks». Guy Merlin Nembot a déposé un projet de demande d’appui en financement au Pajer-U, et dans d’autres projets de financement, pour solliciter une aide d’environ cinq millions, pour agrandir rapidement sa structure. «J’ai déjà contacté huit de mes camarades de promotion qui ont eu le Bts la même année que moi et qui ne font rien. Je souhaite qu’on s’associe pour vite faire ce projet de conception des bases de données afin de répondre aux besoins qui se posent localement et que les petites structures n’arrivent pas toujours à résoudre avec les méthodes mises en œuvres par les donnés de l’hexagone» explique Guy Merlin. Son esprit positif, tranche avec les trois années qu’il a passé à rechercher un emploi, partageant son temps entre les concours, les dossiers à déposer dans les structures privés ou il a part moment fait quelques piges, et les cours d’informatique qu’il dispense dans certains établissements. Les lendemains il n’en doute pas, seront glorieux pour ses affaires.
H.F.
Vox pop:
Pensez-vous que l’Etat se préoccupe suffisamment de l’emploi des jeunes ?
Marie Nkom Tamoifo, Yaoundé, présidente association jeunesse verte du Cameroun, engagée dans la promotion de l’emploi des jeunes.
« Evaluer les programmes ministériels »
L’Etat fait des efforts non négligeables, mais qui ne sont pas suffisants pour que les préoccupations des jeunes soient en partie résolues. Nous constatons que le chômage et le sous emploi sont des réalités palpables au quotidien dans notre société. Certes le problème de l’emploi est mondial. Mais cela ne donne aucune excuse. Il faut penser à une reforme du système éducatif pour le développement et l’emploi dans notre pays. Nous travaillons dans ce sens avec des partenaires. Il est aussi important d’insister sur l’implication de tous les maillons de la chaîne étatique. Il faut par exemple qu’on puisse évaluer, avec statistiques précises à l’appui, les programmes d’insertion socioprofessionnelle qui existent dans les différents ministères. Que chaque ministère puisse avoir un cahier de charges en termes d’efforts et de stratégies déployés pour fournir l’emploi à un certain nombre de jeunes camerounais.
Félix Tatla Mbetbo Yaoundé, étudiant en Faculté des sciences sociales et relations internationales, Université protestante d’Afrique centrale.
«L’Etat a failli à sa tâche»
Face à cette question, il est normal que le jeune se dise que l’Etat a failli à sa tâche de créer l’emploi. Plusieurs jeunes se plaignent d’avoir eu des diplômes, d’avoir fait des longues études et des efforts conséquents, qui n’ont pas été sanctionnés par l’obtention d’un emploi au bout du compte. Après leurs études, les jeunes sont abandonnés à eux-mêmes. C’est ainsi qu’en se débrouillant avec ce qu’il réussit à obtenir, un brillant ingénieur peut finir comme communicateur, ou se retrouver entrain de faire du marketing dans un lieu de commerce par exemple. De l’autre côté, l’Etat encourage la médiocrité en facilitant l’accès à un emploi, chez certains jeunes qui ont pour principal mérite leurs relations avec une quelconque autorité du pouvoir en place. Ceux qui se lancent dans leurs propres projets se heurtent au clientélisme.
Arlette Chewou (23 ans), Bafoussam, Candidate au Bts en comptabilité et Gestion.
« L’Etat veut monnayer les informations»
L’Etat a des opportunités d’emploi qui sont peu connues. C’est en participant aux réunions de sensibilisation et aux campagnes de formation du projet jeunesse culture et citoyenneté du Zenü network, que j’ai appris qu’il y a quelques opportunités d’emploi qui existent dans plusieurs services étatiques. Au sein du Campus, on ne nous dit rien de précis. Même lorsqu’on s’approche des délégations de ces ministères. On a comme impression qu’ils veulent monnayer ces informations qu’ils détiennent secrètes. Au sein des groupes de jeunes qui travaillent avec eux comme notre point focal, ces informations nous parviennent aisément.
Daniel Mefire Younyouono (27 ans) Foumban, chômeur titulaire d’un Capiemp
«Il y a un problème de communication»
Il y a quelques opportunités d’emploi que l’Etat se déploie à mettre à la disposition de sa jeunesse. Je critique en priorité la paresse de ces jeunes qui ne font pas des efforts. Ils ne fournissent pas les efforts nécessaires pour aller vers l’information qui se trouve dans les ministères. Ils préfèrent se distraire autrement, en attendant des types d’opportunités comme celui des 25000 jeunes à recruter que tout le monde connaît. Cela me permet aussi au vu de cette affluence de dire qu’il y a un problème de communication dans les services étatiques. Ils gagneraient à mettre à la disposition des jeunes, les opportunités d’emploi qui existent.
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