Le marché B ravagé par les flammes
Bafoussam. L’incendie dont l’origine reste inconnue a emporté plus
d’une centaine de comptoirs.
La voix de Pauline Megne est inaudible. A force
de pleurer, ses cordes vocales ont été affectées. Elle n’en a cure. Elle continue
d’aller de gauche à droite pour exprimer par des gestes, son affliction. «J’ai
tout perdu ! Tout. Je n’ai plus de vie». Avec mélancolie, elle pointe du
doigt les machines à coudre et parle avec peine et douleur. «Dans mon atelier,
il y avait 3 machine à coudre, 2 surfileuses et les tissus pour les tenues que
je préparais pour la rentrée. Le feu a tout pris. Je ne sais plus ce que je
vais dire.» Tout au long de l’axe réservé aux couturiers, tailleurs, prêts à
porter, c’est près d’une centaine de comptoirs qui ont été soufflés par les
flammes. L’incendie qui s’est déclenché vers 23h au marché B de Bafoussam, dans
la nuit du samedi au dimanche 18 août 2013, a emporté près de 80% des comptoirs
érigés en ces lieux.
Lorsqu’on entre par le poste de police du marché,
on est marqué de constater que tous les comptoirs qui avaient fière allure la
veille, se sont transformés en cendres. Le secteur réservé à la vente de
l’huile de palme en gros, n’existe plus. Ce sont des fûts qui ont explosés sous
la pression de la forte chaleur et les bombonnes d’huile, qui sont observables.
Une forte odeur âcre dégagée par l’huile flammable, étouffe tous ceux qui s’y
trouvent. En quittant précipitamment ce secteur, c’est d’odeur de viande qui
chatouille les narines. Les hangars réservés à la boucherie, ont été consumés,
et la viande qui s’y trouvait, a été carbonisée.
Les débris de machines calcinés, jonchent le long
des comptoirs réservés à la commercialisation des assiettes, marmites et autres
machines robots pour faciliter l’art culinaire. Au cœur du marché, le secteur
réservé aux œuvres d’art, est aussi
carbonisé. Les propriétaires des lieux, identifient leurs comptoirs et y
viennent récupérer les poteries que le feu a contribué à endurcir. Leurs
voisins qui sur des tables et des étals vendent les kolas, le haricot, le maïs,
les céréales et les produits alimentaires, déplorent le fait que le feu à
griller leurs sources de revenus. Les vendeurs des produits traditionnels,
n’ont pas plus de chance de sauver leurs marchandises. En ressortant du marché pour échapper à la
fumée qui étouffe, on constate que ceux qui ont pu sauver une partie de leurs
marchandises, s’empressent de porter ce qui reste pour quitter les lieux. Pour
consoler tous ces commerçants en pleurs, les politiciens sont tous présents.
Chacun essaye de dire qu’il est temps de construire un marché digne de ce nom.
La police qui est arrivée aux côté des sapeurs
pompiers et de l’autorité administrative, insiste sur le respect de l’ordre.
L’enquête initiée, n’a pas encore selon le gouverneur, permis de connaître les
causes de cet incendie. Midjiyawa Bakari déplore cependant, la multiplication
anarchique des toiles d’araignée, de l’insalubrité et de la promiscuité au sein
du marché B de Bafoussam. Ce qui a contribué à faire en sorte que les sapeurs
pompiers accourus, n’ont pas pu se frayer une voie pour essayer d’éteindre à
temps le feu. En attendant l’évaluation exhaustive, on estime à plus de 5 milliards
de FCFA le montant des pertes estimées dans les comptoirs ravagés par le feu. On
estime que c’est environ 80% des
comptoirs du marché B qui ont été consumés.
Honoré
Feukouo
Près de 5 milliards volatilisés.
Importance. Le marché B est un pole économique entre la zone urbaine
et la zone rurale.
Difficile d’estimer le nombre de
pertes enregistrés par les commerçants et leurs familles au marché B de
Bafoussam, à l’issue de l’incendie qui a dévasté ce marché. Les pertes sont
d’autant plus importantes, que le marché B, se positionne comme un pole
économique incontournable entre la zone urbaine et la zone rurale de Bafoussam
d’une part, entre la ville de Bafoussam et les villes environnantes d’autre
part. Zacharie Kamdem un vieux commerçant installé ici depuis une quarantaine
d’année, dit qu’au départ, le marché B était juste une zone de transition. «Il
y avait une gare routière ici qui permettait aux voyageurs qui allaient en direction de Mbouda, Dschang et Bamenda,
de s’installer et de se ravitailler». Autour de la gare routière, un important
marché s’est progressivement installé. Les comptoirs ont été construits par la
suite, pour désengorger le marché A devenu trop touffu. Au marché B de
Bafoussam, les femmes et les paysans qui sortent des zones rurales,
commercialisent les produits champêtres et achètent le nécessaire pour la
survie de leurs familles. C’est au marché B, qu’on retrouve le plus aisément,
l’huile de palme écoulé dans les marchés. C’est au cœur du marché B que sont
installés les artisans qui font dans la poterie, les forgerons et d’autres
artisans traditionnels. Tous ont été délogés par l’incendie.
H F
«Il faut reconstruire le marché »
Deffo Oumbé Sangong président de la commission des grands travaux au
conseil municipal de la communauté urbaine de Bafoussam
Cette fois ci, c’est le marché B qui est en flammes. Quel
sentiment ?
Je suis consterné de voir
l’étendue des dommages causés par le feu. Quand vous regardez et que vous voyez
les commerçants pleurer parce qu’ils ont d’un coup perdu le lieu de leur
activité et tout le capital qui leur permet de nourrir leur pauvre famille,
vous ne pouvez que partager leur malheur. Cette fois-ci, c’est le marché B.
Hier, c’était encore le marché A. et le cycle recommence à tel point que nous
vivons au moins un à deux cas d’incendie chaque année au sein des principaux
marchés de Bafoussam. C’est vraiment dommage. Pourtant, il suffit d’un peu de
volonté pour résoudre considérablement le problème.
Actuellement on n’arrive pas à avoir une idée certaine de l’ampleur
des dommages pourquoi ?
Les dommages sont grands. Vous voyez qui tout
l’intérieur du marché a été carbonisé. Mais ce qu’il faut relever c’est que ce
problème est régulièrement posé sur la table du conseil municipal de la
communauté urbaine depuis 1994. On ne peut as savoir le nombre de comptoirs qui
ont brûlé parce qu’il y a des gens qui ont intérêt à entretenir le faux et le
flou ici au marché. Nous avons récemment commandé au délégué du gouvernement,
une action de décompte des comptoirs. Ils sont venus nous dire que les marchés
A et B de Bafoussam avaient juste 2992 comptoirs et hangars. Pourtant, le
décompte antérieur laissant entendre qu’il y a environ plus de 4000 comptoirs
au marché A et au marché B. Les entrées et les pistes de circulation au sein du
marché sont régulièrement bouchées par la construction des nouveaux comptoirs
et hangars. S’ils cachent le nombre de boutiques, c’est surement à dessein mais
c’est la population et en particulier les commerçants qui écopent.
Que faire pour arrêter la multiplication des incendies au sein des
marchés de Bafoussam ?
Il faut d’abord travailler dans
la transparence, sans cacher les comptoirs pour enrichir certains en mettant en
péril les commerçants et leurs activités. Il faut bien construire les marchés.
Actuellement par exemple, on demande 800.000Fcfa à chaque commerçant pour
reconstruire sa boutique de 4m² et en moyenne 1200000Fcfa pour ceux qui veulent
les boutiques de plus de 4m². Cela ne profite pas aux commerçants même comme
ils s’empressent tous de financer chaque
année les reconstructions de leurs boutiques consumées. Il y a
la banque des communes le Feicom qui peut nous aider à construire au moins un
grand marché bien sécurisé à Bafoussam. Il y a aussi le projet C2D que nous
sollicitons pour la même réalisation et d’autres pôles de financement. Mais
pour que cela avance, il faut que nous regardions tous dans la même direction,
dans l’intérêt des commerçants et de la population locale d’abord.
Propos recueillis par Honoré Feukouo
«J’ai tout perdu »
Josiane Meliedjie. Commerçante au marché B
Je dois encore vous dire quoi?
Juste que j’ai tout perdu. Le feu m’a tout pris. Il y avait dans ma boutique
des marchandises. J’ai acheté une nouvelle machine pour coudre les tenues des
enfants pendant la rentrée. J’ai acheté les tissus pour la rentrée. J’avais
l’argent de la tontine que mon mari a gagné et m’a chargé d’envoyer aux enfants
qui sont à l’université. Une somme de 250.000F. Tout cela est fini. Je ne sais
plus ce que je vais dire, ni quoi faire.
« Repartir à zéro »
Francine Domkam. Commerçante au marché B
Je sais que pour ma vie, il me
faut repartir à zéro. J’vais beaucoup de marchandises dans ma boutique et les
choses au magasin. Le feu a tout brûlé. C’est ça la vie. Je ne vais pas me
suicider pour les marchandises. C’est Dieu qui donne et c’est lui qui reprend.
Je vais seulement me battre pour repartir à zéro si le seigneur me donne la
possibilité. Même le peu qu’on m’a dit qu’on a pu récupérer, je ne vois pas
encore. Donc je suis là comme ça depuis qu’on m’a appelé pour me parler de
l’incendie.
«Il faut recaser les commerçants »
Aaron Nenkam. Ancien conseiller municipal
J’ai été interpellé à 2h du
matin juste au moment où ça commençait. J’ai eu au moins 4 à 5 interpellations
avant 4h du matin. Je suis sûr qu’au moins 4000 opérateurs économiques dont
4000 familles sont sinistrés en ce moment. La première approche c’est de
chercher une solution définitive de construction au marché A. ce ne sont que
des rafistolages qui ont été considérés comme solutions. Des solutions
périodiques qui ne résolvent pas le problème. Il faut des solutions définitives
et non plus des solutions provisoirement définitives. Il y a la zone de Famla
où un vaste espace a été réservé par le conseil municipal depuis une dizaine
d’année, pour la construction d’un marché, qui peut être construit et permettre
de recaser au moins 10.000 commerçants. Depuis 1994 ce dossier n’avance pas.
Pourtant, dans le marché du Mfoundi, on a utilisé la même technique pour
recaser les gens et reconstruire le marché central et d’autres marchés
secondaires. Les rafistolages en tôles et en planches, ne seront jamais une
solution.
Il faut assurer les commerçants »
François-Xavier Wolong Fonkou. Assureur
Ce que nous avons vécu au marché
B est horrible et regrettable pour une ville comme Bafoussam. Ce sont des
milliards de pertes. C’est encore plus dur parce que nous sommes à la veille de
la rentrée scolaire. Il y a quelques
jours que près d’un million a été réclamé à chaque commerçant du marché B pour
reconstruire le marché. Pourtant, ils payent tous des impôts. Le marché demeure dans l’insalubrité. Ayons
pitié des malheureux commerçants qui ont tout perdu. Ceux qui dirigent ces
marchés savent que les biens s de ces commerçants peuvent être sécurisés sans
grands efforts à travers les assurances des personnes et de leurs biens. Mais
en haut lieu, ils n’ont pas le souci du bien du prochain. Il faut penser à
assurer les commerçants.
Propos par H F
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