Quatre morts dans une famille
Fotouni. Une famille qui voulait se protéger contre la sorcellerie a pris un produit chez un tradipraticien qui s’est révélé être un produit toxique.
La famille Ngamo au quartier Hialah à Fotouni porte actuellement le deuil. Dans la nuit du vendredi 24 à Samedi 25 juin 2011, quatre membres de cette famille sont décédés, l’un après l’autre. Le drame se déroule entre 20h le vendredi et 4h le samedi. Dans cette concession qui se trouve à 500 mètres de la chefferie supérieure Fotouni, c’est le calme plat. Les membres multiplient les conciliabules. De temps à autre, un invité nouveau de la famille arrive. Il entame les pleurs, et est secouru par ceux qui sont présents sur place. Doucement, le nouveau venu est trainé à l’intérieur de la maison. «On ne peut pas encore pleurer officiellement le deuil. Nous sommes encore inquiet pour le cas de ceux qui sont à l’hôpital» nous explique Viviane, la troisième fille de la concession. Ses propos sont confirmés par l’un des membres de la famille qui rappelle qu’au bout du fil, il vient d’avoir les gardes malades. «Rien de nouveau à signaler» Se contente t’elle de dire d’un air triste.
De temps à autre, quelques voisins arrivent ainsi que des étrangers et curieux, venus constater ce drame. Des groupuscules se forment à l’arrière et tout autour des quatre grandes maisons de cette concession. Le principal sujet des discussions est connu. Chacun veut savoir ce qui s’est réellement passé. Comment maman Ngamo Jeanine a pu mourir d’un coup emportant dans la tombe ses deux enfants et l’une de ses deux petites-filles qui habitait avec elle. Les voisins se rappellent qu’ils ont vu cette famille au grand complet le vendredi lorsqu’ils allaient au champ. «La mère était devant et ses cinq enfants étaient derrière» évoque une voisine. Certaines se rappellent l’avoir rendue visite dans l’après-midi, lorsqu’elle était entrain de cuisiner la pâte de maïs avec les légumes. « Elle m’a proposé son repas je l’ai pris. Il y avait aussi d’autres invités dans sa cuisine» confesse Pauline l’une des voisines, qui est quittée tardivement de cette maison. Personne ne comprend comment cette famille qui n’avait aucun malade jusqu’à la tombée de la nuit, se retrouve avec quatre morts d’un coup.
Selon les explications de sa coépouse, madame Ngamo Jeanine la cinquantaine, a commencé à appeler au secours vers 20h. C’est sa petite fille Domkam Brenda Patricia qui vient de s’éveiller en pleurant. «Cette fillette de 9 ans, qui s’était couchée à côté de sa grand-mère, disait dans ses pleurs lorsque je suis arrivée, qu’elle a mal partout. Elle parle aussi des douleurs abdominales qu’elle ressent.» Les voisins accourus au secours vont effectuer de vaines courses folles pour trouver un moyen de locomotion dans ce coin fortement enclavé, afin de conduire cette dernière à l’hôpital. C’est dans un porte tout que cette fillette sera conduite au centre de santé le plus proche qui se trouve à trois kilomètres de la concession. Au centre intégré de santé de Fotouni, on va juste constater le décès de la petite Domkam Brenda Patricia.
Le temps de retourner à la maison avec la dépouille, c’est la famille toute entière qui pleure. «C’était pathétique à observer. Pendant que Lucas (Fomo) vomissait dehors, Aubin qui se trouvait à l’intérieur déféquait juste à l’entrée de la chambre. Il disait qu’il n’avait plus les forces d’aller à l’extérieur se mettre à l’aise. Juste à côté Stella et Josiane pleuraient complètement affaiblies elles aussi par leur mal. On ne savait plus vers qui aller pour porter secours. C’était vraiment inquiétant. C’est à cet instant que nous sommes allés au quartier voisin réveiller un chauffeur qui avait la voiture pour qu’il conduise toute la famille à l’hôpital. On ne savait plus qui était parmi les enfants le plus en danger » explique maman Pauline avant de préciser que tous ces malades seront conduits à bord d’un véhicule d’abord au centre de santé intégré de Fotouni, puis au centre de santé médicalisé Eec de Basseu. On nous a dit de les conduire dans cet hôpital parce qu’ils ont de l’oxygène, ce qu’on ne trouve pas à l’hôpital de district de Bandja. Au cours de ce parcours long de sept kilomètres, trois personnes vont rendre l’âme. Il s’agit respectivement de Maman Ngamo Jeanine 57 ans, Kenkoue Josiane 12 ans, et Feuyet Stella 17ans. Ce qui portait à quatre le nombre total de personnes décédées. Les deux derniers survivants de cette famille de six personnes sont respectivement Fotsing Aubin (16ans) et Fomo Lucas (12ans). Ce sont ces derniers qui arrivent à relater un pan de cette histoire.
Le samedi 25 juin 2011, vers 16h 30min, le sous-préfet de l’arrondissement de Bandja est descendu sur le terrain. Ce dernier a instruit le début d’une enquête que mène actuellement la brigade de Bandja. En attendant l’aboutissement de l’enquête, les quatre corps sont sous scellés à la morgue de l’hôpital de Bafang sur instruction préfectorale.
Honoré Feukouo
J’ai failli mourir
Fomo Lucas. Ce garçon de 16 ans qui vient de composer le Bepc est l’un des deux rescapés qui arrive à relater l’histoire.
La brigade de gendarmerie de Bandja qui mène actuellement l’enquête, cherche le «marabout qui a donné la poudre que devait consommer la famille Ngamo. C’est selon les premiers éléments de l’enquête, ce produit toxique qui a aboutit à la mort de quatre personnes. C’est Fomo Lucas qui a permis d’en savoir plus. Sorti de son profond coma le dimanche 26 juin 2011 vers 13h, il a pu dire ce qui est sa part de la vérité, en tant que principal témoin. C’est couché dans son lit d’hospitalisation, que ce jeune garçon, qui fréquente en troisième au lycée de Fotouni relate les faits «Il y a quelques jours, ma mère est allée chez un guérisseur pour lui demander pourquoi mes sœurs n’arrivaient pas à trouver facilement un mari. Arrivé le marabout a plutôt dit à ma mère qu’il y a un sorcier qui veut nous prendre dans la sorcellerie, et il a dit a ma mère de travailler sur tous ses enfants qui sont avec elle».
Après un soupir de souffrance, le temps pour le médecin chef de l’hôpital EEC de Basseu de revoir le niveau de la perfusion, cet adolescent qui porte encore sur lui le maillot rouge qu’il a depuis le vendredi, poursuit son récit. «Lorsque nous sommes rentrés du marché après être allés au champs le matin, maman m’a dit de faire la vaisselle pendant qu’elle va au quartier Mekouogouo voir un père pour prendre le remède. Ils sont revenus ensemble».
Dans la suite de son récit, le jeune homme dit que c’est avec insistance, que le marabout qui a partagé le repas de la famille, et qu’il reconnait uniquement de visu et non de nom, rappelait qu’il fallait « bien mélanger le produit avec l’huile rouge avant de le faire consommer à toute la famille.»
Une recommandation que la mère a bien observé et a appliquer juste au moment où ils allaient se coucher. «Le produit là était jaunâtre et en poudre/ c’était mal écrasé puisque lorsqu’on consommait, c’était granuleux. C’est ma petite cousine qui a le plus consommé qui est morte la première. Il est revenu pendant que ma mère pleurait ma petite sœur nous demander si nous avions bien consommer le produit avec beaucoup d’huile. Il paraissait désorienté et il s’est enfui pendant que je m’évanouissais. C’est à ce moment que j’ai compris manière commencé à pleurer en disant qu’elle a pris le poison pour donner à ses enfants». Fomo Lucas pendant son coma, n’a pas vu mourir sa mère et sa deuxième sœur cadette. Il sait juste qu’il y a un de ses cadets qui se trouve à côté de lui dans le même hôpital pendant que les autres sont internés ailleurs. Maintenant qu’il a écouté le docteur dire qu’il récupère vite, il s’est contenté de dire « j’ai failli mourir comme mes sœurs ».
Honoré Feukouo
Dr Tabue Simo Léandre. Médecin chef du centre médicalisé EEC de Basseu
«C’était une intoxication alimentaire »
Dans quel état se trouvent les deux miraculés internés ici à l’hôpital ?
Nous avons reçu dans la nuit vers 2h 50 trois jeunes enfants venus de Fotouni. Ils ont actuellement dans un état assez acceptable. Leurs selles sont encore molles mais sans aucune particularité. Ils n’ont pas douleurs quelconques. On déplore toutefois de temps à autre des douleurs au ventre, des vomissements sporadiques. Ils sont sortis du coma dimanche matin.
Leur état clinique s’est stabilisé actuellement on peut
Dans quelles conditions sont-ils arrivés à l’hôpital
A l’arrivée ils étaient agités, présentaient des douleurs abdominales avec un pouls très faible. Ils urinaient beaucoup. A l’examen clinique on a pu objectiver des douleurs exquises, un eurypharynx qui était inflammatoire. Ils étaient désorientés dans l’espace et dans le temps, qui émettaient une expectoration mousseuse, qui faisait des crises tonicotroniques récurrentes, avec des révulsions osculaires. Ils étaient dans un coma avancé. Ils vomissaient, émettaient des selles diarrhéiques. Il avait juste un petit pool très faible à peine perceptible.
Quel peut être la cause de ce mal qui a tué quatre personnes ?
Disons que dans notre contexte, il serait difficile de préciser de façon formelle l’origine du mal et du drame. Il faut prélever les restes des aliments et de ce qu’ils ont consommé, pour envoyer vers les centres spécialisés afin de les analyser. Il faut des tests toxicologiques poussées. Sur la base de ce qu’on nous avons pu avoir, tout laisse présager que ça pourrait être une intoxication alimentaire. On a trouvé des substances similaires à celles qui sont utilisés dans les insecticides. C’est ça qui nous a orienté dans notre traitement.
Propos recueillis par H F
Vox pop
Viviane Ngamo troisième fille de la défunte mère
« C’était une bonne mère »
Je suis seulement restée à Yaoundé j’ai appris que ma mère est morte. Je sais que depuis la mort de notre père il y a cinq ans, c’est notre mère qui s’occupait de nous. Elle a tellement voulu nous protéger que cela l’a tué. Maintenant, nous attendons que nos cadets qui sont à l’hôpital sortent et que le sous-préfet nous donne enfin l’autorisation de retirer les quatre corps à la morgue pour l’enterrement.
Maman Pauline Ngamo Co épouse de la défunte
«J’ai vu la mort des yeux »
Nous étions ensemble au champ dans la journée. Le soir, elle a cuisiné et nous avons mangé ensemble. C’est en pleine nuit que je me suis éveillée elle m’appelait en me disant que l’enfant ne se portait pas bien. J’ai accouru et le temps pour nous de trouver un véhicule où un porte tout pour la transporter à l’hôpital, j’entends que l’enfant est morte. A la suite, on apprend que les autres sont aussi en mauvais état. Lorsqu’on est arrivé à l’hôpital, on nous a dit qu’il y avait déjà trois morts. C’est à ce moment que ma Co épouse qui s’agitait est aussi morte. Elle a juste eu le temps de dire que peut être que c’est le médicament que nous avons pris qui est entrain de tuer mes enfants. J’ai tué mes enfants. C’est le dernier mot qu’elle a prononcé avant de mourir.
Ngamo Francis infirmier du centre de santé intégré de Fotouni
«La nuit était mouvementée »
Quel qu’en soit la finalité, c’est une intoxication. C’est vers une heure et quart que la famille est arrivée ici avec le premier cas. Ils sont arrivés avec le second cas trente minutes plus tard. On a constaté que le tableau était sombre. On a pris une voie veineuse. Lorsque nous avons essayé de remonter les patients avec les premiers soins, on a constaté que le tableau était sombre et qu’il fallait passer à la vitesse supérieure. Pour le premier cas, on a constaté le décès dès leur arrivée et le second était en phase terminale. On n’avait pas les moyens pour les sauver ici et ils sont allés dans un centre plus équipé. Je peux simplement vous dire que la nuit était agité pour nous tous.
Personnes à l’hôpital
Fotsing Aubin (9 ans)
Fomo Lucas (16 ans)
Personnes décédés ;
Maman Ngamo Jeanine (57 ans)
Domkam Brenda Patricia (9 ans)
Kenkoue Josiane (12 ans)
Feuyet Stella (16 ans)
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